Le Canada a ses lacs… et ses taxes, tout aussi nombreuses. Il y a d’abord celles qu’on paie quand on consomme : la taxe de vente, la taxe de bienvenue à l’achat d’une maison, les taxes sur l’alcool, l’essence et les produits importés. Il y a aussi celles qui s’appliquent à ce qu’on possède : taxes foncières, vignettes de voiture, etc. Et bien sûr, il y a l’impôt sur le revenu, celui que presque tout le monde paie. Voici ce que vous devez savoir.
Qu’est-ce que l’impôt sur le revenu?
Pour presque chaque dollar que vous gagnez, une partie part en impôts.
Mais ça n’a pas toujours été le cas. Avant la Première Guerre mondiale, le Canada était un petit paradis fiscal. Contrairement à l’Angleterre ou aux États-Unis, il affichait fièrement sa politique « zéro impôt fédéral » pour attirer des immigrant·es qualifié·es, des investisseurs et des capitalistes – ce dont le pays avait cruellement besoin. L’État se finançait surtout grâce à la vente de ressources naturelles et aux droits de douane élevés sur les produits importés. C’est en 1917 que le ministre des Finances, sir Thomas White, instaure la Loi de l’impôt sur le revenu pour financer l’effort de guerre. Il propose alors qu’on la révise une fois la guerre terminée. Depuis, l’impôt sur le revenu fait partie de nos vies.
Aujourd’hui, l’impôt sur le revenu nous semble normal, presque évident. Mais à l’époque, son arrivée a été plutôt mal accueillie. On le voyait comme un fardeau de taille. Quand l’impôt a été instauré, une personne célibataire bénéficiait d’une exemption personnelle équivalente à 29 757 $ (en dollars d’aujourd’hui), et une personne mariée, de 59 514 $. Au-delà de ces montants, le taux d’imposition était de… 4 %. Aujourd’hui, tout le monde – marié·e ou non – a droit à la même exemption de base, soit environ 15 000 $. Et le taux fédéral maximal atteint 33 %. Si on ajoute les impôts provinciaux, le taux marginal combiné grimpe jusqu’à 54,8 %.
On paie nos impôts (presque) sans rechigner, parce que c’est le prix à payer pour vivre dans un pays prospère. Comme l’a dit le juge américain Oliver Wendell Holmes au 19e siècle : « J’aime payer des impôts. Lorsque je paie des impôts, j’achète la civilisation. »
L’Agence du revenu du Canada (ARC) perçoit cet argent pour couvrir les dépenses de fonctionnement du gouvernement et financer les services publics. C’est grâce aux impôts qu’on a des hôpitaux, des écoles secondaires, une armée, une police, des bibliothèques, des routes, des prisons et Radio-Canada. Le gouvernement en redistribue aussi une bonne partie aux personnes à faible revenu et aux Canadiens et Canadiennes vulnérables, sous forme de prestations pour enfants, d’assurance-emploi, de pension de la Sécurité de la vieillesse et d’aide sociale.
Comment fonctionne l’impôt sur le revenu au Canada?
Chaque année, vous devez produire une Déclaration de revenus et de prestations auprès de l’ARC. Cette déclaration sert à indiquer toutes vos sources de revenus, ainsi que les éventuelles déductions ou crédits auxquels vous pouvez avoir droit.
Notre système est fondé principalement sur la confiance. Même si l’ARC connaît certains de vos revenus, elle compte surtout sur les citoyen.nes pour déclarer leur revenu total de façon honnête et exacte.
L’ARC recommande de produire une déclaration même si vous n’avez rien gagné durant l’année. Pourquoi? Parce que vous pourriez passer à côté d’argent gratuit. Parmi les versements auxquels vous pourriez avoir droit :
L’Allocation canadienne pour enfants
Le crédit pour la TPS/TVH
Le Supplément de revenu garanti
La date limite pour payer vos impôts
La date limite pour payer ses impôts, qui diffère de celle pour produire sa déclaration, peut prêter à confusion chez les personnes concernées.
Les personnes salariées doivent produire et payer avant le 30 avril (ou le jour ouvrable suivant si cette date tombe un week-end). Comme leurs impôts sont généralement retenus à la source sur chaque paie, le calcul est plus simple.
Les travailleuses et travailleurs autonomes doivent aussi payer tout montant dû au plus tard le 30 avril, mais ils ont jusqu’au 15 juin pour transmettre leur déclaration.
L’ARC impose une pénalité aux personnes qui produisent leur déclaration en retard. Celle-ci correspond à 5 % du solde dû pour 2024, plus 1 % de ce montant pour chaque mois complet de retard, jusqu’à un maximum de 12 mois. Vous aurez une pénalité encore plus élevée si l’ARC vous a demandé de produire une déclaration et qu’elle vous a déjà imposé une pénalité pour défaut de produire pour une des trois années d’imposition précédentes. La pénalité sera alors de 10 % de l’impôt impayé, plus 2 % de cet impôt pour chaque mois complet de retard, jusqu’à un maximum de 20 mois.
Les taux d’imposition au Canada
Le Canada a un régime d’imposition progressif. Autrement dit : plus vous gagnez, plus vous payez. Vos revenus sont divisés en tranches, et chaque tranche est associée à un taux d’imposition précis. Bien des gens croient, à tort, que l’ensemble de leur revenu est imposé au taux le plus élevé. En réalité, on paie ses impôts de façon progressive : vous commencez par être imposé·e au taux le plus bas, puis chaque dollar supplémentaire est imposé à un taux plus élevé. C’est ce qu’on appelle votre taux marginal d’imposition.
Prenons un exemple : si vous gagnez 1 $, vous payez 10 %. Sur votre 2e dollar, vous payez 20 %. Sur le 3e, 30 %. Mais vous ne payez jamais 30 % de vos 3 $ au complet. En tout, vous payez seulement 0,60 $, ce qui représente un taux d’imposition moyen de 20 %.
Certaines personnes trouvent ce système plus équitable. D’autres (lien en anglais) estiment qu’il pénalise les gens travaillant fort, freine la réussite et décourage la prospérité.
Ce système peut sembler complexe, puisque les tranches d’imposition dépendent non seulement du revenu total, mais également de sa source. De plus, chaque province et territoire applique ses propres taux d’imposition. Pour connaître votre taux global, il faut additionner les deux.
Autre surprise pour bien des Canadien.nes : tous les revenus ne sont pas imposés de la même façon. Par exemple, seuls 50 % des gains en capital (le profit réalisé à la vente d’un placement) sont imposés, et ce, au taux marginal qui s’applique à votre revenu imposable. Pour stimuler la création d’emplois, les petites entreprises canadiennes bénéficient aussi de taux très faibles. À l’inverse, les salaires et traitements sont soumis aux taux d’imposition les plus élevés.
L’ARC distingue six grandes catégories de revenus :
Autres revenus (incluant les revenus d’emploi et les intérêts)
Gains en capital
Dividendes déterminés (versés par de grandes sociétés canadiennes cotées en bourse)
Dividendes non déterminés (versés par de petites entreprises canadiennes)
Revenu d’entreprise général
Revenu d’entreprise de petite société
L’argent provenant des dividendes est considéré comme ayant déjà été imposé, puisqu’il provient des bénéfices nets d’une entreprise, après impôt. Pour cette raison, vous pourriez avoir droit à un crédit d’impôt pour dividendes. Il s’agit d’un crédit non remboursable conçu pour compenser l’effet de la double imposition.
Heureusement, tous les revenus ne sont pas imposables. Voici quelques exemples de revenus qui ne sont pas imposés au Canada :
La plupart des gains de loterie
La plupart des héritages et des dons
Les versements de l’Allocation canadienne pour enfants
Les crédits de TPS/TVH
Les prestations d’assurance vie
Les bourses d’études à temps plein
Les retraits d’un compte d’épargne libre d’impôt (CELI)
Les indemnités de grève versées par un syndicat
Comment réduire votre facture d’impôt
Payer ses impôts, c’est un devoir citoyen. Mais rien ne vous oblige à payer plus que ce que vous devez. Réduire son revenu imposable est non seulement légal, mais aussi financièrement responsable. Les stratégies varient : certaines sont simples et courantes, comme maximiser vos déductions, d’autres sont plus complexes (et un peu obscures), comme l’achat d’actions accréditives. Les logiciels de préparation de déclarations peuvent vous aider à repérer les déductions et crédits auxquels vous avez droit. Et si votre situation est vraiment particulière ou compliquée, rien ne vaut un·e bon·ne comptable pour optimiser votre situation fiscale.
Voici quelques pistes :
Diversifiez vos sources de revenus pour en tirer le meilleur parti sur le plan fiscal. Les revenus d’emploi et les intérêts sont les plus imposés, tandis que les gains en capital et les dividendes le sont beaucoup moins. Plutôt que de compter uniquement sur votre salaire et vos économies placées dans un compte épargne, envisagez d’investir. Ainsi, si vous parvenez, à long terme, à transférer une partie de votre revenu salarial vers un portefeuille de placements, vous pourrez faire fructifier votre argent, mais aussi réduire vos impôts.
Passer du statut de travailleur.euse autonome à celui d’entreprise incorporée. Si vous êtes travailleur.euse autonome ou à la tête d’une petite entreprise, vous pourriez envisager de passer du statut d’entreprise individuelle à celui de société par actions (incorporation). C’est vrai que l’incorporation entraîne plus d’obligations administratives et une déclaration d’impôt plus complexe, mais elle peut aussi faire baisser votre taux d’imposition. En Ontario, par exemple, les personnes à revenu élevé passent d’un taux marginal de 46,16 % à seulement 12,2 %… tant que l’argent reste dans la société, bien sûr. Dès que vous vous versez un salaire ou un dividende, les taux d’imposition habituels s’appliquent. Cette stratégie est intéressante seulement si vous gagnez assez pour laisser de l’argent dans votre entreprise. Un·e bon·ne comptable pourra vous dire si cette solution convient à votre situation.
Reportez l’impôt. En finances personnelles, une règle non écrite dit que l’argent aujourd’hui vaut toujours plus que l’argent demain. Reporter l’impôt vous permet justement de garder votre argent plus longtemps pour le faire fructifier. L’exemple classique? Le REER. Vos placements y grandissent à l’abri de l’impôt jusqu’à votre retraite, où vous paierez, on l’espère, un taux plus bas qu’en pleine carrière. Le CELI fonctionne autrement, mais offre aussi une croissance à l’abri de l’impôt. Vos cotisations sont faites avec de l’argent déjà imposé, mais une fois à l’intérieur, vos placements peuvent croître sans être touchés par l’ARC. Le CELIAPP, ou compte d’épargne libre d’impôt pour l’acquisition d’une première propriété, est un tout nouveau véhicule d’épargne qui vous permet de reporter l’impôt. Vous pouvez y mettre jusqu’à 40 000 $ pour acheter votre première maison, et l’argent y croît à l’abri de l’impôt, comme dans un CELI. Si vous êtes investisseur·euse ou propriétaire d’une petite entreprise, une stratégie courante consiste à laisser l’argent dans votre société le plus longtemps possible pour reporter l’impôt. Et si vous possédez un immeuble locatif, vous pouvez amortir la valeur de votre propriété chaque année, ce qui vous permet de reporter l’impôt jusqu’au jour où vous vendrez l’immeuble.
Profitez au maximum des déductions et des crédits disponibles. En effet, les déductions diminuent votre revenu imposable, tandis que les crédits réduisent directement le montant de votre impôt, parfois jusqu’à zéro. Les déductions courantes incluent les cotisations syndicales, les cotisations REER, les frais de garde d’enfants et les pertes en capital. Côté crédits d’impôt, on pense par exemple aux dons de bienfaisance, aux frais médicaux, au montant pour aidant naturel ou encore à l’Allocation canadienne pour les travailleurs.
Comment calculer votre impôt sur le revenu
Calculer exactement combien vous devez en impôt n’a rien de simple. Le régime fiscal canadien est une véritable jungle de règles (en anglais) et de définitions, longue de 1,1 million de mots. Pour une estimation rapide (en anglais), commencez par calculer votre revenu total, après avoir soustrait les déductions auxquelles vous avez droit. Ensuite, appliquez le taux marginal d’imposition qui s’applique à chacune de vos sources de revenus, en tenant compte des impôts fédéraux, provinciaux et territoriaux. Vous pouvez aussi utiliser un simulateur d’impôt en ligne pour estimer votre revenu net et vos impôts à payer.
Comment payer votre impôt en ligne
Pour les revenus d’emploi, l’impôt est généralement prélevé à la source et envoyé à l’ARC tout au long de l’année. Avec d’autres sources de revenus, comme le travail autonome, vous devez faire des paiements trimestriels à l’ARC. Une fois votre déclaration produite et tous vos revenus comptabilisés, si vous avez encore un solde à payer, vous devez le verser à l’ARC au plus tard le 30 avril de l’année suivante (ou le jour ouvrable suivant si cette date tombe une fin de semaine).
Vous pouvez produire votre déclaration sur papier, à l’ancienne, ou utiliser un service gratuit ou payant en ligne. Certain·es préfèrent confier le tout à un.e comptable. Pour payer, vous pouvez envoyer un chèque par la poste ou vous rendre à votre banque avec un chèque en main. Mais la façon la plus simple reste de passer par Mon dossier de l’ARC. L’ARC propose aussi d’autres options en ligne, selon ce qui vous convient le mieux.