Beaucoup de gens – disons, des gens moins bien informés que vous – pensent qu’un retrait d’un régime enregistré d’épargne-retraite (REER) entraîne une « pénalité d’impôt ». Mais vous, as du budget et pro de la planification (ou en voie de le devenir), savez que ce n’est pas tout à fait vrai. En réalité, l’impôt retenu lors d’un retrait constitue simplement une partie de l’impôt total que vous devrez payer de toute façon. Car oui, chaque retrait d’un REER est imposable. La « pénalité » en question? Voyez-la plutôt comme un acompte vers l’impôt final que vous devrez au gouvernement lors de votre déclaration de revenus en avril.
Cet impôt est calculé en fonction de votre revenu total et du taux d’imposition applicable. L’un des grands avantages du REER, c’est qu’il vous permet de cotiser lorsque vous vous trouvez dans une tranche d’imposition élevée, ce qui réduit votre revenu imposable : les cotisations sont déduites de votre revenu. Vous payez donc moins d’impôt. Ensuite, à la retraite, vous retirez l’argent à un moment où votre revenu, et donc votre taux d’imposition, est plus faible. Vous payez encore une fois moins d’impôt. Et entre-temps, les sommes investies fructifient à l’abri de l’impôt. Plutôt avantageux, non?
Mais si vous retirez des fonds avant la retraite, à un moment où votre revenu est encore élevé, vous risquez de payer beaucoup plus d’impôt que si vous aviez attendu. Autrement dit, faire un retrait anticipé de votre REER – sauf dans le cadre de programmes comme le Régime d’accession à la propriété (RAP) ou le Régime d’encouragement à l’éducation permanente (REEP) – n’est généralement pas une bonne stratégie. Avant de piger dans votre REER, mieux vaut envisager d’autres options.
Quel est le taux d’impôt retenu sur les retraits d’un REER?
Prenons un exemple : vous avez 45 ans, la retraite est encore loin, et le toit de votre maison s’effondre. Il vous faut de l’argent immédiatement, alors vous décidez de retirer des fonds de votre REER. Mauvaise idée : ça risque de vous coûter cher. (Il vaudrait mieux puiser dans un compte d’épargne, comme votre CELI, d’où vous pouvez retirer de l’argent sans conséquence fiscale.)
Lorsque vous retirez des fonds de votre REER avant la retraite, une retenue d’impôt s’applique automatiquement. Le montant est prélevé directement par l’institution financière qui détient votre REER, puis remis au gouvernement.
Actuellement, les taux de retenue d’impôt sur les retraits d’un REER sont de 10 % pour les retraits allant jusqu’à 5 000 $, 20 % pour les retraits de plus de 5 000 $ jusqu’à 15 000 $ inclusivement et 30 % pour les retraits de plus de 15 000 $.
Le montant de la retenue varie selon la province où vous vivez et la somme retirée. Si vous vivez au Québec, la retenue fédérale est réduite de moitié, et une retenue provinciale s’ajoute. Voici les taux applicables :
5 % (fédéral) + 14 % (provincial) pour les retraits jusqu’à 5 000 $
10 % (fédéral) + 14 % (provincial) pour les retraits de plus de 5 000 $ jusqu’à 15 000 $
15 % (fédéral) + 14 % (provincial) pour les retraits de plus de 15 000 $
Autrement dit, au Québec, le taux combiné atteint jusqu’à 29 %. Si vous êtes non-résident du Canada, un taux fixe de 25 % s’applique, peu importe le montant du retrait.
L’impôt retenu est-il le seul coût à prévoir?
Non, pas nécessairement. La retenue d’impôt n’est qu’un acompte : ce ne sera pas votre seul passage à la caisse. Le montant retiré est ajouté à votre revenu imposable de l’année, et vous devrez le déclarer dans votre déclaration de revenus. Si ce retrait vous fait passer dans une tranche d’imposition plus élevée, vous aurez à payer davantage d’impôt, et la retenue initiale risque de ne pas suffire à couvrir la totalité de ce que vous devrez. Voilà pourquoi on dit souvent qu’un retrait anticipé d’un REER devrait rester une solution de dernier recours, une fois que vous avez épuisé toutes les autres options.
Lorsque vous retirez des fonds de votre REER, votre institution financière vous remettra un feuillet T4RSP, qui indique le montant retiré et l’impôt retenu à la source. Vous devrez inscrire ce montant dans votre déclaration de revenus (T1 Générale) pour l’année où le retrait a été effectué.
Autre point important : vous ne récupérez pas vos droits de cotisation. L’Agence du revenu du Canada (ARC) ne vous permet de comptabiliser chaque cotisation qu’une seule fois. Contrairement au CELI, le montant retiré ne peut pas être réintégré dans vos droits de cotisation futurs. Si vous retirez 7 000 $, vous ne pourrez pas remettre ce montant plus tard. Et vous réduisez du même coup la somme qui aurait pu croître, année après année, grâce à l’effet de l’intérêt composé, sans être imposée.
Comment éviter la retenue d’impôt sur les retraits d’un REER?
Dans la plupart des cas, vous ne pourrez pas éviter cette retenue. Certaines personnes essaient de contourner les règles en fractionnant un gros retrait en plusieurs petits montants sur une courte période, dans l’espoir d’échapper aux taux de retenue plus élevés. Mais attention : votre institution financière pourrait tout de même appliquer la retenue correspondant au montant total.
Par exemple, si vous souhaitez retirer 10 000 $ mais que vous le faites en quatre versements mensuels de 2 500 $, elle pourrait retenir 20 % d’impôt sur le dernier retrait si elle remarque votre petit stratagème.
Cela dit, deux exceptions permettent de retirer des fonds d’un REER sans retenue d’impôt : le Régime d’accession à la propriété (RAP) et le Régime d’encouragement à l’éducation permanente (REEP). Le Régime d’accession à la propriété (RAP) vous permet de retirer jusqu’à 60 000 $ sans impôt dans une année civile à partir de votre REER pour acheter ou construire une propriété. Vous avez 15 ans pour rembourser le montant retiré, et les remboursements commencent deux ans après le retrait. Chaque année, l’ARC vous fera parvenir un relevé précisant votre solde, les montants déjà remboursés et le minimum à verser pour l’année. Pour être admissible, vous devez répondre à certains critères, dont celui d’acheter une première propriété.
Le Régime d’encouragement à l’éducation permanente (REEP) permet de retirer jusqu’à 10 000 $ par année civile, jusqu’à un maximum total de 20 000 $, pour financer une formation à temps plein, pour vous ou pour votre partenaire (si vous êtes marié·es ou conjoint·es de fait). Il n’est pas nécessaire de retirer le montant d’un seul coup – vous pouvez l’étaler sur quatre ans, tant que le total ne dépasse pas 20 000 $. Petit hic : ce programme ne couvre pas les études de votre précieuse progéniture.
Vous avez 10 ans pour rembourser les sommes retirées. Le début du remboursement dépendra du moment où vous cesserez d’être admissible comme étudiant ou étudiante à temps plein après le premier retrait. L’ARC vous fera parvenir chaque année un relevé REEP précisant le solde, les remboursements effectués et le montant minimal à verser. Il faudra tout de même produire votre déclaration de revenus chaque année et y inscrire vos remboursements au REEP dans l’Annexe 7.
Quelles sont les conséquences d’un retrait anticipé d’un REER?
La plus grande conséquence d’un retrait anticipé d’un REER? L’impôt. Et il peut faire mal. Si vous retirez une grosse somme, votre facture fiscale risque de grimper en flèche : en plus de la retenue à la source, vous devrez peut-être payer un impôt supplémentaire au moment de produire votre déclaration de revenus.
Mais il y a une autre conséquence majeure : en retirant des fonds maintenant, vous vous privez vous-même de ressources dont vous aurez besoin plus tard. Un REER donne ses meilleurs résultats quand vous y cotisez régulièrement pendant plusieurs années, laissant le temps à vos placements de croître grâce à l’intérêt composé. Retirer de l’argent en cours de route, c’est compromettre vos efforts d’épargne pour la retraite, d’autant plus que vous ne pourrez pas récupérer l’espace de cotisation perdu. Bref, c’est un pas en arrière pour votre avenir financier.